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La recherche graphique. Ou comment nous avons imaginé Granpa & Zoé

Ah la recherche graphique ! C’est THE étape de création. L’étape durant laquelle on imagine le look du film.

Beaucoup d’idées naissent, mais rien n’est laissé au hasard. Tout choix esthétique trouve une justification. Pour vous montrer à quel point cela est vrai, on a sorti les exemples.

Notre dernier film, Granpa et Zoé Mission Lumière, est l’occasion de nous pencher sur elle.

À nos crayons !

La recherche graphique, c’est ce moment où les artistes sortent leurs crayons pour faire des premières propositions visuelles.

Première étape dans notre pipeline de production. Elle est une étape pleine d’échanges et de réflexions. Car beaucoup de choses se jouent à ce moment : la sympathie qu’aura un personnage auprès du public, la fonction d’un environnement, la cohérence entre tous les éléments de l’histoire. Bref, on ne cherche pas seulement à produire du beau.

En fait, nos choix esthétiques répondent à des obligations variées.
D’abord, le cadre de l’histoire lui-même est un premier choix qui n’est pas anodin. En situant le début de l’aventure dans le désert Australien, on éloigne les personnages de la civilisation, et on évite ainsi aux animateurs des environnements peuplés. Le but de la recherche graphique, c’est de décider à quoi va ressembler ce désert. Il faut créer un environnement qui ne laisse aucun doute sur le lieu. Il doit être typiquement australien. Pour s’aider, on rassemble un maximum de références dans un mood board.
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Chaque désert a son visage. Les traits de l’Outback ne sont ni ceux du Sahara, ni ceux du Mohave américain.
Nous examinons alors différents terrains pour définir le nôtre, en choisissant le bon sable, les bonnes teintes, la bonne végétation, et la bonne lumière. Réunir des références, c’est un automatisme lorsqu’on créé un film. Bien sûr, il ne s’agit pas de copier intégralement tout ce que l’on trouve. Seulement de piocher des idées pour nourrir nos propositions. C’est aussi un moyen d’amorcer la créativité, de lui donner une impulsion. On réalise alors plusieurs croquis, dans lesquels l’ambiance prime, et les émotions qui s’en dégagent. La recherche graphique a un but précis : trouver une direction artistique.
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Mais à travers cette direction, on aura répondu à plusieurs problématiques. Par exemple, c’est dans les premiers croquis que nous avons décidé d’encastrer la base de Granpa au pied d’une formation rocheuse. Plusieurs raisons à cela : elle est un élément fort qui signe le paysage, et qui donne un indice sur le lieu. Elle est aussi une astuce pour ne pas avoir à étendre constamment l’horizon derrière les personnages. C’est la même raison d’ailleurs qui nous a poussé à disposer les bâtiments de la base en cercle, de sorte qu’à chaque arrière-plan, il y ait un bâtiment auquel le regard puisse s’accrocher.

Le décor raconte une histoire

Un décor ce n’est pas juste lieu. Le scénario pose l’action dans divers endroits : un étang, un ranch, un hangar. Ok. Très bien. Mais quand on a dit ça, on n’a rien dit.

On n’a pas dit que ces lieux doivent raconter une histoire. Par exemple, celle des personnages. Ici, celle de Granpa. Retraité scientifique, bricoleur, ancien membre de la BASA, passionné de science, qui désormais se la coule douce au milieu de technologies qui sont les vestiges de son passé.

Le ranch nous donne tous les indices – même s’ils sont indirects, même si le spectateur ne les remarque pas tous.

C’est l’un des rôles du décor d’alléger une partie de la narration qui peut se permettre de ne pas tout dire explicitement.

L’idée aussi avec ce film, c’était de créer des décors qui soient réutilisables pour les prochains films, et donc suffisamment détaillés pour ouvrir des possibilités sur des prochaines histoires. Il faut donc sortir de la création purement fonctionnelle qui ne cherche qu’à répondre au scénario. Il faut se laisser aller à la création et densifier le décor.

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Ebauche du décor : la version finale est très différente

Enfin, le décor c’est aussi un espace dans lequel les personnages et la caméra vont évoluer.

Les distances de déplacement doivent être pensées en amont. Elles conditionnent l’aménagement des éléments à l’intérieur du décor.

Par exemple : lorsque nous deux héros discutent tout en se marchant depuis le labo jusqu’au hangar, il faut que la distance labo-hangar le permette. Pas au mètre près bien sûr. Mais au moins que le hangar ne se trouve pas à l’autre bout du ranch, trop loin du labo.

Assez tôt, passé les premiers croquis d’ambiance, nous nous posons les bonnes questions sur le décor : quels bâtiments ? placés comment ? quelles interactions entre eux et les personnages ? que verra-t-on et quels espaces resteront cachés ?

Alors, on dessine des plans, on dispose les éléments, on dresse différentes configurations jusqu’à trouver la bonne.

Trouver leur look aux personnages

Contrairement à la recherche des décors, celle des personnages débouche sur des visuels précis. Elle donne plus qu’une simple direction, mais bien un physique définitif, qui anticipe même la transposition en 3D.

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Imaginer le look d’un personnage est un travail de composition. On veille à respecter nos critères de départ.

Premier critère : des personnages internationaux.

Pour faciliter une diffusion à l’internationale, on voulait des personnages qui soient perçus de la même manière dans toutes les cultures.

Et pour cela, il n’y a pas mieux que les personnages animaux.

C’était donc le premier critère : avoir des animaux, sans marques culturelles ou ethniques, que tous les publics puissent reconnaître – pour les deux héros du moins.

Mais quels animaux pour représenter l’Australie ? Après plusieurs discussions et quelques croquis, nous nous sommes mis d’accord sur le duo : koala et dingo.

Deuxième critère : des physiques qui traduisent leur personnalité.

Ce qu’on appelle la physiognomonie, selon l’idée que : on ressemble à ce qu’on est. Bien évidemment, dans la réalité il n’y a rien de plus faux. C’est pas parce qu’on est moche, qu’on est méchant.

Mais en animation, c’est un principe, presque une règle.

On cherche à humaniser nos animaux.

Effacer les postures animales au profit de formes humaines, c’est d’abord un moyen de faciliter l’animation. En effet, les combinaisons de motion capture sont faites pour animer des humains. – c’est pour cela aussi, que nous n’avons pas mis de queue à nos personnages, pour éviter des animations supplémentaires.

Mais effacer l’animal, cela permet aussi d’accepter plus facilement les caractéristiques humaines du personnage, de ne pas les intégrer de force. Si notre koala et notre dingo se tiennent debout, dos droit, démarche humaine, alors on acceptera volontiers qu’ils se comportent en papi scientifique ou en petite fille curieuse.

Revenons alors à la physiognomonie. Nous créons des archétypes, mais nous évitons la caricature. Nous faisons en sorte que la personnalité soit identifiable physiquement, sans complètement effacer l’animal. Bref, c’est un travail d’équilibriste.

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On notera par exemple, qu’avec des corps plus humains, il est difficile de proposer des animaux nus, ou plutôt « à poils ». Nous avons fait des essais, en laissant Zoé sans rien sur le dos. Le résultat était dérangeant. Elle a beau être une dingo, son corps renvoyait à celui d’une petite fille.

Raison de plus pour vêtir nos personnages ! Et quel meilleur moyen que les vêtements pour caractériser nos animaux ? Ils ajoutent une dernière couche d’humanité.

Prenons le cas de Granpa.

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Nous voulions un papi tranquille, mais pas un vieillard croulant. Plutôt un retraité actif. Le short et le marcel vont tous deux dans ce sens. Et puis chaleur de l’Australie oblige, on n’allait pas lui mettre une doudoune.

Le marcel rappelle son côté bricoleur, et permet de laisser ses bras nus et donc de profiter de son physique particulier de Koala. Enfin les crocs à ses pieds sont la touche originale, le détail démodé, un peu kitch, qui marque le personnage, qui le rend particulier. Et en chaussant les personnages, on évite aussi de leur donner des pattes qui appelleraient une démarche animale.

Ne croyez-pas toutefois que cette apparence a été trouvée du premier coup. La recherche graphique est pleine d’itérations. On propose des choses, on les discute et on les ajuste jusqu’à être satisfait.

Dans nos différents croquis, nous bougeons tous les curseurs : la corpulence, la posture, les traits, les couleurs, les accessoires, les détails du visage, etc.

Certaines choses sont arrêtées dès le départ, comme les yeux en pastilles.

D’autres sont ajustées jusqu’à la fin. Par exemple Granpa était bien plus griffu à l’origine. Ainsi sont faits les koalas. Mais cela ne rendait pas le personnage douillet comme nous le voulions. Nous avons donc opté pour des doigts allongés plutôt que pour des griffes.

Le cas de Zoé

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Son cas est différent de celui de Granpa. N’ayant ni cheveux, ni traits féminins, seuls ses vêtements indiquent qu’elle est une fille. Il nous fallait donc un look connoté, mais pas stéréotypé. Le choix des couleurs, les collants, ainsi que la fleur dans les cheveux sont les indices que nous avons choisis.

Recherche graphique des véhicules et des accessoires

En dernier lieu, la recherche graphique va concerner tous les objets « importants » du film. Tous ceux du moins qui méritent qu’on réfléchisse à leur apparence.

Car beaucoup d’objets traversent le film. La plupart sont standards et n’ont pas besoin d’un design particulier. Nul besoin de s’attarder sur le look d’une table, d’une chaise, au bien d’un vieux pneu trainant dans le terrain vague de Granpa.

En revanche, certains objets sont importants dans le récit et participent à l’identité graphique du film.

C’est le cas par exemple du vaisseau de nos deux héros. Exemple idéal pour montrer sur quelle base repose un design.

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Le vaisseau devait d’abord respecter des critères fonctionnels pour répondre aux besoins du scénario.

Il devait avoir un système de capsule permettant d’envoyer les personnages dans l’espace depuis l’intérieur de la cabine. Le gag imaginé dans le scénario repose sur la rapidité de ce mécanisme, puisque Zoé se trouve éjectée du vaisseau sans avoir le temps de comprendre ce qui lui arrive. Mais il repose aussi sur la possibilité pour Granpa de viser la cible sur laquelle il envoie Zoé. Nous avons donc imaginé un vaisseau dont le nez s’ouvre pour une propulsion par l’avant.

Il devait aussi avoir un espace central qui laisse suffisamment de place pour les scènes en intérieur. La configuration ne répond donc pas à une logique scientifique rigoureuse. Un ingénieur aéronautique aurait sûrement des choses à redire. Mais elle répond surtout à des impératifs de mise en scène.

Enfin, toujours dans l’idée d’aérer la mise en scène, nous avons imaginé des vitres très larges sur le toit et sur le cockpit. L’essentiel était de pouvoir voir les deux personnages parler depuis l’extérieur.

Ces caractéristiques pratiques sont importantes. On voit bien qu’elles façonnent largement l’aspect du vaisseau. Mais à elles, s’ajoutent d’autres décisions visuelles.

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Nous voulions que le vaisseau ressemble aux personnages.

Qu’il ait l’air sympathique et rondouillard à l’image de Granpa. D’où ses formes arrondies plutôt que celles angulaires que l’on voit habituellement en cinéma. Il fallait éviter les formes agressives des vaisseaux de combat à la Star Wars. Surtout pas de connotation guerrière. Nous nous sommes inspirés de navettes réelles et de films de science-fiction en apportant un côté enfantin.

Enfin, le vaisseau devait témoigner à lui-seul de son état de relique. C’est une vieillerie que Granpa dépoussière pour l’occasion. Son look laisse deviner qu’elle a servi par le passé. La peinture défraichie et les traces sur la carlingue sont là pour ça.

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