Créer des personnages réalistes, Partie 2
La solution Metahuman
Suite de notre article sur le réalisme et l’uncanny valley.
Un peu moins d’un an après avoir dévoilé son Unreal Engine 5, Epic a annoncé début 2021 un nouvel outil destiné aux créateurs : Metahuman creator.
Une sorte d’éditeur de personnage très poussé, qui permet de composer rapidement des humains photoréalistes.
C’est noël avant l’heure. Une aubaine pour tous les studios d’animation comme le nôtre. Une bonne nouvelle pour vous aussi, nous allons voir pourquoi
Créer un humain réaliste devient facile et rapide
Simple à prendre en main, l’outil permet de créer des metahumains : humains photoréalistes que l’on pourra ensuite utiliser dans ses propres productions.
Pour l’instant, disponible en early access, il est possible de tester des premières fonctionnalités qui laissent rêveur pour la suite. Toutes sont tournées vers un seul but : offrir à l’utilisateur un outil pratique pour créer des visages réalistes.
Il se vit comme un éditeur de personnage tel qu’on en trouve dans le jeu vidéo. En partant de modèles existants, on bouge une variété de curseurs qui nous permettent de changer les traits de notre personnage.
On va pouvoir modifier jusqu’aux dents de notre personnage. Leur alignement, leur écartement, la couleur des gencives, la présence et le rendu de la plaque dentaire.
Mais c’est un éditeur qui ne nous laisse pas faire n’importe quoi. Metahuman joue en effet un rôle de garde-fou en nous empêchant de créer des humains impossibles. Toute modification manuelle sur un visage entraine toujours des ajustements connexes. Par exemple, en retroussant un nez, on verra les narines et la morphologie proche du nez suivre le mouvement.
On nous donne plusieurs niveaux de contrôle sur le visage :
Soulignons aussi la présence de la fonction blend
Qu’on traduira par « mélange » et qui permet de faire une tambouille de visages. On peut la comparer à ce jeu qui consiste à découper dans les magazines les visages de nos actrices préférées afin de créer la femme parfaite – le regard d’Emmanuelle Béart, la bouche de Monica Bellucci, le nez de Pénélope Cruz. Sauf qu’ici, le logiciel réajustera les traits pour ne pas créer un hybride bizarre.
En plus d’être ergonomiquement bien fait, c’est un système dont l’idée même est intelligente : plutôt que de partir d’un seul modèle et d’être en roue libre après (comme dans tous les éditeurs de personnage), on peut s’appuyer continuellement sur les modèles existants.
On veut des yeux bridés ? Pas besoin de les créer, on les récupère. Un menton carré, mais pas trop non plus ? On le pioche sur tel modèle, et on le modifie à peine. Cette pommette-là nous intéresse, allez hop ! on mélange deux personnages, et en quelques clics c’est fait.
Un haut niveau de réalisme rendu possible par l’intelligence artificielle
Mais par rapport à d’autres logiciels de création, qu’est-ce qui fait de Metahuman un outil novateur ? Un outil différent ? La réponse est simple : le machine learning.
Sans entrer dans des détails, disons que, pour construire son réalisme, Metahuman utilise l’intelligence artificielle. Les mélanges de physionomies aboutissent à des résultats crédibles, et jamais à des aberrations, parce qu’ils se reposent sur un ensemble de connaissances (des visages de personnages réelles) que Metahuman croise et interroge pour fournir une réponse vraisemblable.
Chris Evans, lead technical animator, porteur du projet, explique la chose ainsi :
« Quand vous relevez une oreille, il y a un ensemble d’appels et de réponses qui va chercher pour vous, une oreille plausible […] Vous allez effectuer un mouvement sur le visage, le logiciel va alors chercher dans une énorme base de données différents traits du visage pour vous donner une réponse anatomiquement crédible. »
Toutes les explications sont à retrouver dans le stream organisé par Unreal.
Nous obtenons un personnage prêt à l’emploi
Maintenant, venons-en au plus intéressant.
Ce personnage, on va pouvoir l’exploiter dans nos production.
N’importe quel type de productions : film d’animation, film institutionnel, pub produit, expérience VR, hologramme, bref ! partout où on pourra avoir besoin d’un personnage réaliste.
Et là encore, tout est pensé pour faciliter cela.
Metahuman nous permet d’abord de jouer des animations pré-enregistrées dès l’interface principale. Sorte de preview à lancer avec un bouton lecture qui fait bouger et grimacer notre personnage pour nous montrer comment son visage réagit. Idéal pour procéder à des réajustements.
Un bouton lecture pour observer les mimiques de notre personnage
Mais c’est aussi une manière de nous dire : « oui, votre personnage est immédiatement animable ».
C’est une petite prouesse quand on y pense.
— C’est rendu possible parce que le squelette est toujours le même. Quel que soit le personnage, on travaillera toujours sur un squelette standard auquel on ne peut pas toucher dans le logiciel. Son rigging est scellé. Les points de mouvements sont placés de la même manière les uns par rapport aux autres, permettant ainsi d’intégrer des animations au plus tôt. —
On peut donc directement passer en motion capture, sans se soucier des étapes qui précèdent.
Pour cela, on va pouvoir récupérer les données de notre personnage pour les exploiter hors de l’outil, sur d’autres logiciels. Maya par exemple, si on a besoin de retoucher à la modélisation. Ou Motion Builder, pour l’animation – nous citons seulement les deux outils évoqués dans la communication d’Unreal Engine su Metahuman ; mais n’ayez craintes, d’autres seront sûrement possibles.
On notera enfin que Metahuman fonctionne avec Live Link Face (application d’Unreal sur IOS) qui permet de faire de la motion capture faciale en temps réel, et par leap motion ! En gros : faites des grimaces devant la caméra, et votre personnage vous suivra.
Vous, voilà ce que vous y gagnez
Que ce soit rapide et exploitable, concrètement qu’est-ce ça change pour vous ?
Plein de choses.
D’abord, si votre projet nécessite des personnages dans un style réaliste, vous pourrez vous adresser à plus de studio qu’auparavant, et pas seulement à des studios spécialisés ou à des free lance qui ne font que ça. Avec Metahuman, la question ne se pose plus. Tous les créateurs 3D peuvent faire de l’humain réaliste.
C’est non seulement faisable, mais c’est facile. Et qui dit facile, dit rapide, et dit moins cher. Metahuman nous permet de sauter toutes les étapes chronophages. La modélisation, le rigging corporel, le rigging facial, et le texturing sont déjà faits, et de qualité ! On peut donc rapidement passer à la suite de la production.
C’est encore plus efficace que d’acheter un modèle déjà fait sur une bibliothèque 3D – ce qui se fait beaucoup dans ce genre de cas – car ici c’est vous qui décidez de la tête du personnage. Et c’est nous qui la créons pour vous. (Attention toutefois, reproduire une véritable personne reste un exercice compliqué, même avec un tel outil).
C’est tout à votre avantage. Pour vous c’est une prestation à moindre frais. Ce qui hier était une demande pointilleuse qui faisait grimper le temps de production (donc le budget), devient aujourd’hui une demande abordable.
Hors considérations financières, Metahuman représente aussi un gros avantage créatif. Il peut servir pour des productions diverses.
Finissons donc notre article, en listant quelques idées de réalisations dans lesquelles un tel personnage pourrait servir.
Votre métahumain pourrait être :
- Un guide pour une visite en réalité virtuelle ;
- Des figurants dans une présentation de projet immobilier, pour donner de la vie au décor ;
- Un showman dans un hologramme ;
- Le clone d’un personnage historique dans un film contenu culturel et pédagogique
- Un personnage silhouette pour une présentation produit ;
- Des personnages incarnés par des acteurs, dans un métrage animé ;
- Un médecin/infirmier/praticien dans une vidéo protocole de soin, ou pour montrer l’usage d’un outil médical ;